Le vote kurde fera-t-il chuter Erdogan ? – COURRIER INTERNATIONAL

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Le parti prokurde, menacé d’interdiction, ne présentera finalement pas de candidat à l’’élection présidentielle du 14 mai. Après son appel à voter en faveur de l’opposition, certains se mettent à rêver de victoire dès le premier tour face à Recep Tayyip Erdogan. Par Courrier International du 23 avril 2023.

Conscient d’avoir un rôle historique à jouer, le parti prokurde de Turquie, le HDP, allié à la gauche radicale et qui représente entre 10 % et 14 % des intentions de vote, a fait le choix de ne pas présenter de candidat et d’appeler à voter pour le candidat d’opposition Kemal Kiliçdaroglu. Le HDP n’a pas pour autant intégré l’“Alliance du peuple”, la coalition des six partis d’opposition. Certains de ses membres parmi les partis conservateurs et nationalistes y étaient fermement opposés, craignant un rejet de la part de leurs propres électeurs.

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“Nous détenons une position clé dans cette élection, et nous entendons nous en servir, pas comme un moyen de pression mais comme une chance pour enclencher une ouverture démocratique”, explique le réalisateur kurde et ancien député Sirri Süreyya Önder au média en ligne P24. Forte de ce soutien, l’opposition pourrait remporter une victoire dès le premier tour, espère Sirri Süreyya Önder. Cela permettrait de revenir à la situation d’avant l’AKP – qui s’est peu à peu mué en parti-État –, qui permettait que “la justice et les institutions étatiques ne soient pas soumises à la volonté d’un parti”.

“Ne pas se bercer d’illusions”

Ce retour à une Turquie d’avant Erdogan serait un pis-aller pour les Kurdes de Turquie. Mais quoi qu’il en soit préférable à la situation actuelle. La coalition islamo-nationaliste ne cesse en effet d’attaquer ses opposants, qualifiés de “terroristes”. “Tout ce que l’on peut attendre de la coalition de Kiliçdaroglu, c’est qu’elle mette fin à la tentative actuelle de créer un régime fasciste”, considère un éditorialiste kurde du média de gauche Gazete Karinca.

Une journaliste du média en ligne Medyascope s’est invitée à la table d’une famille kurde, dans le quartier majoritairement kurde de Kanarya, à Istanbul, pour un repas de fête de l’Aïd El-Fitr, qui marque la rupture du jeûne du mois de ramadan. “Nous voterons comme le HDP nous le demande, mais je pense que s’ils nous demandaient de voter Erdogan, personne ici n’aurait accepté”, explique Sara, la cadette de la famille. “Je n’ai pas d’autre choix que de voter pour Kiliçdaroglu, ce pays nie mon existence en tant que Kurde, est-ce qu’il va permettre de changer cela, je n’y crois pas”, témoigne, fataliste, Mehmet.

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Une partie minoritaire mais non négligeable de l’électorat kurde, très conservateur, est traditionnellement acquise à l’AKP. Afin d’obtenir de nouveaux ralliements à l’approche des élections, le président Erdogan a même choisi d’intégrer à sa coalition le Hüda-Par, un petit parti islamiste kurde influent dans certaines régions. Il s’agit d’un héritier du très sanglant Hizbullah turc, groupe islamiste armé soutenu par les services secrets turcs contre le PKK et qui avait commis massacres et assassinats dans le pays pendant la décennie 1990.

Pour la presse pro-Erdogan, en revanche, pas de doute, l’électorat kurde est plus que jamais acquis au président. “Il a vaincu les bandits et les terroristes, ramené la sécurité dans la région”, écrit un éditorialiste du quotidien Sabah. “Il a apporté la démocratie et la liberté dans les régions kurdes et porté les droits des Kurdes au niveau des standards européens. Désormais, grâce à lui, il existe même une chaîne de télévision en langue kurde”, vante le journal.

Par Courrier International du 23 avril 2023.

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