AFP / le 24 novembre 2020 – https://www.lorientlejour.com/
“La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné mardi la Turquie pour la détention provisoire d’un journaliste soupçonné de “propagande” en faveur d’organisations “considérées comme terroristes”, malgré l’absence de “soupçons plausibles”.
Les juges de la CEDH ont estimé, à l’unanimité, que cette détention constituait une violation du droit à la liberté et à la sûreté, garanti par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Ils ont également estimé, à la majorité, qu’il y avait eu violation du droit à la liberté d’expression (article 10). La Cour avait été saisie par Ahmet Sik, journaliste qui travaillait pour le quotidien d’opposition Cumhuriyet lorsqu’il avait été arrêté à son domicile et placé en détention, en décembre 2016.
Il était soupçonné de “faire la propagande d’organisations considérées comme terroristes par le gouvernement” turc : le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) et le FETÖ, acronyme désignant le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’avoir fomenté le coup d’Etat avorté de 2016.
Ahmet Sik avait été interrogé sur des articles publiés par le journal et des messages postés sur les réseaux sociaux, avant d’être placé en détention provisoire pendant 1 an et deux mois, jusqu’en mars 2018.
Les juges ont souligné que les articles d’Ahmet Sik “avaient la valeur d’information journalistique et contribuaient au débat public” en Turquie. Ils ont conclu à “l’absence de raisons plausibles de soupçonner M. Sik d’avoir commis une infraction pénale”, et que sa détention constituait “une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression”.
La juge turque et le juge lituanien ont exprimé des opinions en partie dissidentes. La Cour a condamné la Turquie à verser 16.000 euros au journaliste pour “dommage moral”.
A la suite de sa détention, en avril 2018, Ahmet Sik avait été condamné à sept ans et six mois de prison par la cour d’assises d’Istanbul. Après un pourvoi en cassation du journaliste, l’affaire est actuellement pendante. Début novembre, la CEDH avait déjà condamné la Turquie pour avoir placé en 2016 en détention provisoire 10 journalistes du quotidien d’opposition Cumhuriyet.”