La France vient de rapatrier l’hôpital mobile qu’elle avait dépêché en Turquie après le séisme. Rencontre avec des soignants français, épuisés et émus, sur le tarmac de l’aéroport de Nîmes, rapporte Henri Frasque dans Ouest France du 13 mars 2023.
Les visages sont fatigués, les regards un peu dans le vague. Une sapeuse-pompière en uniforme tombe dans les bras de son amoureux, qui l’attendait sur le tarmac. Jeudi 9 mars au soir, à l’aéroport de Nîmes, sur la base de la sécurité civile, une cinquantaine d’hommes et de femmes, pompiers du Gard et sauveteurs de la sécurité civile du Var, débarquent d’un Dash 79 en provenance directe de Turquie, qui s’est rangé à côté d’un Canadair.
Pendant deux semaines, ces médecins, infirmiers, chirurgiens, logisticiens, ont passé l’essentiel de leurs journées entre les murs de toiles d’un hôpital de campagne, ceux de l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (ESCRIM), installé au pied d’une colline enneigée, à Gölbasi. Cette petite ville autrefois prospère de 30 000 habitants, dans une région montagneuse proche de la frontière syrienne, a été ravagée par le séisme qui a fait plus de 50 000 morts en Turquie le 6 février.
« Quand nous sommes arrivés le 14 février, nous avons monté les tentes, en pleine nuit, dans la neige et par une température de -17 °C », raconte le lieutenant-colonel Jacques Pagès, qui a commandé la première équipe. « On a connu des températures telles que le gasoil se figeait, ce qui nous posait des problèmes d’électricité et de chauffage », abonde le colonel Patrice Dusserre, commandant de la seconde équipe.
Du fait de la proximité avec la frontière syrienne, les soignants français sortaient rarement du camp, et étaient accompagnés par des policiers ou des militaires. La ville est un champ de ruines. « Les dégâts étaient impressionnants, raconte Marc Magro, médecin urgentiste au CHU de Nice. Les gens vivaient dans des tentes, je ne sais pas comment ils ont pu résister au froid. »
« Beaucoup de gens souffraient de douleurs abdominales dues au stress »
La mission des pompiers de l’Escrim : soigner les victimes du séisme, et une population totalement démunie. « L’hôpital local était très abîmé, et il n’avait pas assez de personnel pour le faire tourner », explique le Professeur Catherine Arvieux, chirurgien au CHU de Grenoble, qui a dirigé l’équipe chirurgicale de l’hôpital de campagne. Elle a procédé à « des interventions lourdes » – une vingtaine au total pendant la mission -, et vu des personnes « terriblement endeuillées, des parents qui avaient perdu leurs enfants. Beaucoup de gens souffraient de douleurs abdominales qui auraient pu être chirurgicales, mais qui étaient en fait dues au stress ».