Le président turc a voulu répondre aux critiques sur l’action de son gouvernement après le tremblement de terre du 6 février en promettant une « réponse appropriée le 14 mai », date des scrutins présidentiel et législatifs rapporte Nicolas Bourcier dans Le Monde du 2 mars 2023.
Le séisme du 6 février et ses champs de ruines n’auront rien changé. Les élections présidentielle et législatives en Turquie auront bien lieu le 14 mai comme prévu, a annoncé, mercredi 1er mars, le président, Recep Tayyip Erdogan. Malgré le tremblement de terre qui a frappé les régions frontalières du sud et du sud-est du pays, touché dix districts, causé la mort de plus de 45 000 personnes, fait près de deux millions de sans-abri, affecté quinze millions de personnes et coûté, rien qu’en destructions, 34 milliards de dollars (32 milliards d’euros), selon une première estimation de la Banque mondiale.
Dénonçant une nouvelle fois les critiques qui se sont élevées contre la gestion de la catastrophe par son gouvernement, le chef de l’Etat a assuré, devant les parlementaires du Parti de la justice et du développement, l’AKP, sa formation au pouvoir depuis 2002 : « Nous leur apporterons la réponse appropriée le 14 mai. » Une manière d’exclure de fait tout report du scrutin auquel il a annoncé se représenter.
L’annonce du dirigeant turc n’est pas venue seule. Face à une contestation qui s’enracine, M. Erdogan a de nouveau reconnu que les opérations de secours avaient été retardées les premiers jours « en raison du chaos et des conditions météorologiques ». « Cependant, a-t-il tempéré, quelques heures seulement après le tremblement de terre, nos ministres ont contacté les villes touchées et ont commencé à coordonner le travail. » « Nous avons essayé de faire tout ce qui pouvait être fait », a-t-il insisté, dénonçant les « débats vicieux » sur les institutions et l’armée, dont seulement 8 000 soldats ont été à ce jour déployés dans la zone touchée. Par comparaison, dans les 48 heures qui avaient suivi le séisme d’Izmit, près de Marmara, en 1999, causant la mort de plus de 18 000 personnes, près de 35 000 militaires avaient été immédiatement mobilisés.
Problèmes techniques
Lundi, pour la première fois, le chef de l’Etat avait demandé « pardon » pour des retards dans les premiers jours dans l’organisation des secours. Il avait déjà évoqué des « lacunes » et des « lenteurs »,mais sans faire acte de contrition, se sentant même obligé d’ajouter qu’aucun gouvernement ne pouvait « être préparé à pareil désastre ».
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Malgré la promptitude de l’annonce, la décision de maintenir la date des élections n’a pas surpris les commentateurs politiques. Mercredi soir, sur la chaîne de télévision en ligne Medyascope, Osman Sert, directeur de recherche à l’Institut d’Ankara, a avancé le fait que des responsables de l’AKP avaient fait des enquêtes sur l’électorat de Recep Tayyip Erdogan et estimé que les pertes, depuis le séisme, n’étaient « pas trop importantes ». « La crise économique que traverse le pays est en train de s’enfoncer et plus le gouvernement attend, plus la situation empire,a ajouté le chercheur. Les dirigeants pensent qu’ils sont en mesure de tenir jusque-là, comme prévu initialement. » Après 1999, les élections de 2001 ont été remportées haut la main par l’AKP, créée quelques mois auparavant. Pour l’essayiste et économiste Mehmet Altan, joint par téléphone, « Erdogan n’a tout simplement pas d’autre possibilité. Attendre et repousser la date des élections de plusieurs mois serait encore pire pour lui. »
Il n’empêche, cette décision soulève beaucoup de questions et de problèmes techniques. Des doutes subsistent quant à la capacité des autorités électorales à organiser le scrutin dans les zones touchées par le séisme. Les préfectures et les mairies sur place sont débordées par les demandes d’enregistrement d’identité. Comment inscrire sur les listes des citoyens sans-papiers, sans-abri ou déplacés ailleurs dans le pays ? Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Séisme en Turquie : des années de corruption et de laisser-faire fragilisent Erdogan
Pour l’heure, la Table des Six, la principale coalition d’opposition qui rassemble six partis, a annoncé, par la voix du président du Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche), Kemal Kiliçdaroglu, qu’elle devait décider du nom de son candidat commun jeudi. Mais, a-t-il ajouté, ce nom ne sera annoncé que plus tard, à une date non précisée. Un signe, là aussi, d’une singulière fébrilité.