« Guillaume Perrier, envoyé pour couvrir les suites du séisme, a été contraint de rentrer en France. Une atteinte de plus à la liberté de la presse dans la Turquie d’Erdogan » Luc de Barochez rapporte dans Le Point du 10 février 2023.
Malgré le tremblement de terre dramatique du 6 février, le régime de Recep Tayyip Erdogan ne faiblit pas dans sa répression de la liberté de la presse en Turquie. Guillaume Perrier, grand reporter au Point, vient d’en faire l’expérience. Il a été interdit d’entrer dans le pays où il avait été envoyé par le journal pour couvrir la crise humanitaire provoquée par l’un des séismes les plus meurtriers de l’Histoire moderne dans la région. Le bilan, toujours provisoire, dépasse malheureusement déjà les 21 000 tués dans le nord de la Syrie et le sud de la Turquie.
Notre envoyé spécial a été interpellé à son arrivée à l’aéroport d’Istanbul le 8 février, où il devait prendre un vol intérieur en direction des zones sinistrées. La police turque lui a signifié une interdiction d’entrer sur le territoire d’une durée de cinq ans, datée de novembre dernier et motivée par de mystérieuses conditions de « sécurité nationale », sans plus de précision. Il a dû passer la nuit à l’aéroport et a été contraint de reprendre le premier vol en direction de Paris, le 9 février. Guillaume Perrier, journaliste turcophone, ayant vécu dix ans à Istanbul, auteur de plusieurs livres sur la Turquie, suit pour le Point l’actualité de ce pays et de la région. Il s’y rend régulièrement. Son expertise et son expérience le placent parmi les principaux spécialistes français de ce pays.
Le Point déplore la mesure frappant son journaliste et demande qu’elle soit rapportée sans délai. « C’est une atteinte de plus à la liberté de la presse dans la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, a déclaré le directeur du journal, Étienne Gernelle. Pas la plus grave évidemment : nous pensons bien d’abord à tous les journalistes turcs emprisonnés. Cette arrestation et cette expulsion de notre journaliste, venu couvrir notamment les conséquences du séisme qui a frappé le pays, nous rappellent – s’il en était besoin – la nature de ce régime. »
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Selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF), il y a actuellement 24 journalistes en prison en Turquie sans compter neuf autres en détention provisoire. « La Turquie a repris ses mauvaises habitudes d’après le coup d’État en 2016 », commente Erol Önderoglu le correspondant de l’organisation en Turquie. RSF suit actuellement les procès de plus de 200 journalistes et représentants de médias poursuivis dans le pays. Depuis 2014, 200 journalistes ont été jugés pour offense au chef de l’État et 73 condamnés.
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Le Point, LE 10 février 2023, Luc de Barochez.