« Vous êtes en terminale ou en première spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) ? La Lettre de l’éduc est pour vous. Chaque semaine, Benjamin Daubeuf, enseignant en histoire-géographie au lycée Val-de-Seine du Grand Quevilly, vous conseille la lecture d’un article d’actualité en rapport avec votre programme et vous donne les clés pour le comprendre. Dans cette édition : la controversée politique étrangère du président turc, Recep Tayyip Erdogan » rapporte Courrier International du 1 février 2023.
Pourquoi cet article ?
Régulièrement, dans la rubrique Controverse du journal, Courrier internationalmet face à face deux articles de presse aux points de vue contraires sur un même sujet d’actualité. Nous avons choisi cette semaine une controverse sur la politique étrangère déployée par le président Recep Tayyip Erdogan, qui oppose Takvim à plusieurs titres de la presse turque.
Si pour le quotidien progouvernemental les choix diplomatiques d’Erdogan ont permis à la Turquie de devenir une superpuissance, le média en ligne d’opposition Kisa Dalga, le quotidien nationaliste et laïc Cumhuriyet ou encore le quotidien de gauche Evrensel sont alarmistes sur la situation du pays. Cette controverse illustre le jalon “L’Empire ottoman, de l’essor au déclin” du thème II, en première, sur les dynamiques des puissances internationales.
S’il ne fallait retenir qu’une citation
“Des Balkans au Caucase, nous faisons la pluie et le beau temps. Nous renversons la table pour en assembler une nouvelle et nous balayons l’Europe au passage.”
À en croire le journaliste de Takvim, la Turquie a acquis un tel prestige auprès de ses voisins qu’elle est désormais la puissance dominante de la région. L’article énumère les leviers qui la rendent incontournable : un rôle de négociateur dans le conflit ukrainien, un hub énergétique pour toute l’Europe.
Il semble loin le temps où l’Empire ottoman était qualifié d’“homme malade” de l’Europe, d’autant que redonner à la Turquie son rayonnement du temps du califat ottoman obsède le président Erdogan. Pour la presse d’opposition, cette diplomatie ultra-interventionniste isole de plus en plus le pays sur la scène internationale, et le force à se rapprocher d’anciens concurrents pour maintenir son emprise régionale.
Mais la Turquie a-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions au vu de sa situation économique ? Les prochaines élections législatives et présidentielle, initialement prévues le 18 juin et qu’Erdogan a décidé d’avancer au 14 mai, vont permettre de mesurer le soutien des Turcs à cette politique de grandeur, à moins que les nombreux problèmes intérieurs ne rattrapent l’ancien maire d’Istanbul, au pouvoir depuis 2014.
Pour aller plus loin
Pour poursuivre cette réflexion sur la place de la Turquie au cœur de la géopolitique du Moyen-Orient, nous vous proposons trois autres articles.
- Ce premier article du quotidien Al-Jumhuriya explique les raisons qui poussent Recep Tayyip Erdogan à se rapprocher de son homologue syrien, Bachar El-Assad. Entre gestion des migrants et répression contre les Kurdes, le président turc a fait le choix de la realpolitik.
- The Economist consacre un dossier spécial à la dérive dictatoriale d’Erdogan à quelques mois de l’élection présidentielle. Le virage dictatorial de la Turquie inquiète d’autant plus qu’elle “possède la deuxième plus grande armée de l’Otan” et joue un rôle important dans la guerre actuelle en Ukraine et le conflit en Syrie, et exerce une “influence croissante dans les Balkans”, en Asie centrale et “plus récemment en Afrique”, écrit le quotidien britannique.
- Enfin, cette revue de presse fait le point sur la question des migrants en Turquie, où environ 3,5 millions de réfugiés syriens sont actuellement installés et empêchés de partir pour l’Europe, et le durcissement de sa politique migratoire. Une thématique qui devrait être au cœur du scrutin présidentiel.
Et ce qu’il ne fallait pas rater non plus cette semaine
Cet article de The Times rapporte comment, dans la terrible bataille de Bakhmout, des volontaires ukrainiens s’organisent pour faire face aux miliciens du Groupe Wagner et à des milliers de prisonniers russes. Ce reportage de terrain permet de comprendre les évolutions des conflits contemporains et d’illustrer le thème II en terminale : “Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution.”
Courrier International, 1 février 2023, Photo/Adem ALTAN/AFP