« Le président turc se montre généreux pour le Nouvel An. Son gouvernement a revalorisé salaires et pensions, augmentant notamment le salaire minimum de 50 % et permettant des départs anticipés en retraite. Ces mesures sont critiquées par certains comme une manœuvre électoraliste » rapporte Courrier International du 2 janvier 2023.
Le président Recep Tayyip Erdogan distribue les étrennes à tour de bras. Ce sont 2,2 millions de citoyens turcs, âgés en moyenne de 50 ans, qui ont obtenu une retraite anticipée, pour un coût estimé de 18 milliards de dollars pour les finances publiques. Le salaire minimum a été augmenté de plus de 50 %, passant à 8 500 livres turques par mois (soit environ 425 euros). De nouvelles hausses des salaires des fonctionnaires et des pensions de retraite devraient également intervenir dans les jours à venir.
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Les annonces présidentielles sont ovationnées dans la presse gouvernementale, à l’image du journal Star : “Alors que le monde est traversé par de multiples crises économiques, le gouvernement de l’AKP [Parti de la justice et du développement d’Erdogan] trouve la force d’accorder ces retraites sans limite d’âge.” Le journal y voit une illustration de l’entrée dans le “siècle turc”, annoncé par le pouvoir islamo-nationaliste à l’approche du centenaire de la République turque, en octobre 2023.
Le pays est pourtant confronté à une sérieuse crise économique et à une spirale hyperinflationniste que ces annonces pourraient encore accélérer. Selon les chiffres officiels, l’inflation est évaluée à 84 % sur un an, mais l’Enag, un groupe d’économistes indépendants, l’évalue plutôt à 170 %.
Tabler sur un regain de popularité
Pour le quotidien de gauche Birgün, la hausse du salaire minimum annoncée par le président turc, si elle constitue une bouée de sauvetage pour les foyers les plus précaires, sera vite noyée dans la hausse des prix. En Turquie, le revenu nécessaire pour assurer une alimentation décente au sein d’un foyer de quatre personnes était évalué à 7 785 livres en novembre, et devrait dépasser, dès janvier, le salaire minium revalorisé. Celui-ci demeure quoi qu’il en soit bien inférieur au seuil de pauvreté de 25 000 livres (environ 1 250 euros), selon la Confédération des syndicats turcs.
“Dans son discours, le président n’a pas exclu d’augmenter à nouveau les salaires dans les mois à venir, à l’approche des élections, mais son objectif n’est pas [l’amélioration des] conditions de vie des citoyens mais de gagner les élections à court terme”, estime le journal.
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La coalition formée par l’AKP et son allié d’extrême droite du Parti d’action nationaliste (MHP) est minée par sa gestion de plus en plus autoritaire du pouvoir, les scandales de corruption et la mauvaise situation économique du pays, révèle le média en ligne Diken. Si elle est en légère hausse dans les sondages – autour de 44 % des intentions de vote en décembre selon une enquête de l’institut Metropoll –, sa position demeure précaire à l’approche des élections présidentielle et parlementaires prévues en juin.
Mais le pouvoir, qui table sur un regain de popularité après ses annonces sur les salaires et les retraites, pourrait être tenté de convoquer des élections anticipées, avant que l’inflation n’ait à nouveau creusé le budget des ménages. D’après le Deutsche Welle Türkçe, un média censuré dans le pays depuis l’été, qui se fonde sur des sources à l’intérieur de l’AKP, les deux alliés seraient tombés d’accord pour organiser le premier tour des élections le 30 avril.
Courrier International, 2 janvier 2023, Photo/Murad Sezer/Reuters