« L’inflation dépasse les 80 % sur un an en Turquie. La tenue de l’élection présidentielle dans quelques mois devrait favoriser le choix d’une augmentation substantielle. Le patronat s’inquiète » dit Timour Ozturk dans Les Echos.
Après une hausse de 95 % (!) du salaire minimum en 2022, quel sera le montant du salaire minimum en Turquie en 2023 ? Pour répondre à cette question, une deuxième journée de concertation se déroulera ce mercredi, après un premier tour de table entre représentants de l’Etat, du patronat et des salariés qui a eu lieu mercredi 7 décembre. De 2.825 livres turques en 2021, le salaire minimum net mensuel en Turquie est passé à 4.253 livres en janvier 2022, puis 5.500 livres au deuxième semestre de cette année, soit environ 280 euros.
Avec ces revalorisations successives, le salaire minimum court après l’inflation qui frappe les ménages turcs. La hausse des prix a en effet connu un pic en octobre, avec 85 % d’inflation annuelle d’après l’Institut statistique de Turquie, voire 185 % selon les économistes indépendants du Groupe de recherche sur l’inflation (ENAG). En novembre, ces chiffres ont respectivement baissé à 84 % et 170 %.
La chambre de commerce d’Istanbul estime de son côté la hausse des prix sur un an à 105 % dans la capitale économique de la Turquie. Une inflation en grande partie importée, et causée par la dépréciation de la devise nationale turque qui a chuté de 44 % face au dollar en 2021 et a encore perdu 29 % de sa valeur face au billet vert depuis le début de l’année.
LIRE AUSSI : Le risque d’hyperinflation en Turquie en cinq questions
Selon la Banque centrale turque, 43 % des salariés (hors secteur agricole) sont payés au salaire minimum en Turquie. Un taux qui monte à 50 % dans l’industrie. Ces travailleurs sont représentés dans les négociations sur la revalorisation du salaire minimum par TÜRK-İS, la principale confédération syndicale du pays. L’organisation défend une revalorisation d’au moins 41 % pour atteindre les 7.785 livres turques (395 euros) net mensuel et prévient qu’elle ne descendra pas en dessous de cette ‘ligne rouge’.
TÜRK-İS n’est toutefois pas le syndicat le plus revendicatif. Le DISK, Confédération des syndicats ouvriers révolutionnaires, réclame un salaire minimum à 13.200 livres et sa réévaluation tous les trimestres en fonction de l’inflation, tandis que le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation d’opposition, avance le chiffre de 10.000 livres.
Election présidentielle
A quelques mois d’une élection présidentielle pour laquelle Recep Tayyip Erdogan remet son mandat en jeu, la revalorisation du salaire minimum devrait être conséquente. « Les décisions prises par le gouvernement dans le domaine économique sont étroitement liées au calendrier électoral », assure l’économiste Mustafa Sönmez, « le président Erdogan va évidemment faire en sorte d’apaiser le mécontentement des électeurs pour qu’il ne s’exprime pas politiquement dans les urnes. C’est cet objectif électoral qui va dicter la hausse du salaire minimum et non des considérations économiques. Mais qu’importe le nouveau montant du salaire minimum, il ne compensera pas les pertes de pouvoir d’achat accumulées depuis des mois par les salariés. »
LIRE AUSSI : En Turquie, la vie avec 100 % d’inflation – Les Echos/Timour Ozturk
L’éventualité d’une revalorisation qui porterait le salaire minimum au-dessus de 500 dollars par mois (environ 10.000 livres turques) inquiète certains secteurs du patronat turc. Mustafa Gültepe, le président de l’Assemblée des exportateurs de Turquie dit ainsi redouter de « perdre beaucoup de compétitivité ». Quant au risque de voir l’augmentation du salaire minimum stimuler une spirale salaires-prix, il est écarté par le gouverneur de la Banque centrale de Turquie Sahap Kavcıoglu : « Nous ne pensons pas que la hausse du salaire minimum aura beaucoup d’effet sur l’inflation. »
LIRE AUSSI : En Turquie, l’économie sur une pente dangereuse – Le Monde/Nicolas Bourcier
Les Echos, 13 décembre 2022, Timour Ozturk